✄ The whirlwind of my life.❖ ❖ ❖
Chapitre I : Born To Be WildFroideur incongrue. Fraicheur dévoilée. L'arme est là, présente. Trop. L'arme est la vie, l'arme est la mort. L'ange est là, dans le fond de l'âme, il descend comme descend la désolation. Il apporte la vie, la mort, la joie et l'horreur. Le destin en est jeté. Dés de folie, lancés dans l'ahurissante folie des hommes. Il n'est point né pourtant, celui qui dans sa tour d'ivoire, lancera la folie.
Les canons rugissent presque du son de l'amour et du déshonneur.
Les canons crient encore, petites lampées d'air à la vicieuse surface. Mais non, il fait presque machine arrière. Combattant redoutable. Le seigneur n'est point volontaire pour s'extraire de la divine comédie.
Les choses sont trop peu adorables ici, engoncé dans son royal domaine, il n'y a point d'urgence pour lui à voir d'autres contrées où l'herbe serait moins verte. Le serait-elle ? Il n'en sait rien. L'ange est une formidable créature mais si peureuse. Pourtant la vie est ainsi. Pour les anges comme pour les démons. L'éternel commencement. Le commencement fabuleux ou malheureux, rien ne le destine jamais. Les dés, s'ils sont pipés, n'avertissent personne. Le hasard, le plus grand des hasards. Beauté farouche comme violente horreur. Rien ne prévient, pas même des symptômes avant coureurs.
Rien ne presse. Rien ne justifie que de ses petites troupes, il décide du sort. Il est le seigneur des lieux, le maître du temps. Il suspend l'instant comme d'autres suspendraient le criminel. Il est le justicier et le malfaiteur. Le causeur de problèmes et son divin prophète venu les annuler. Il est dieu. Il est le fils de dieu et tout à la fois.
Le créateur d'un monde et le destructeur de nuits. Et il devrait se plier aux règles de la biologie ?
Quoi encore. Bien sûr, de tout cela, il n'est conscient de rien. A t-il réellement une conscience même ? La nature. Voilà sa reine, voilà où va son obédience bien mal sentie.
Tempête de vent, ça pousse et ça mugit. Le soleil est presque en vue. Non. La lumière se jette à tes yeux comme se jette le chien affamé sur un morceau de viande. Tempête. Tout s'emballe. Cadence folle. Pas question. Voilà venir de monstrueux objets. Ca ressemble à rien. De longues pinces. Des pinces affreuses d'un beige malheureux.
Il fait bien trop chaud, l'air est agréable. Mais les pinces semblent là pour saisir l'ange. Curieuse méthode. L'enfer est aussi là, partout. Le démon, le vilain, le malin. Les immondices se referment, curieuses créatures. Elles gobent de l'air ou en brassent. Mais elles sont encore loin. Juste un peu. Une nouvelle tempête d'air, tout bouge, les positions se resserrent. L'ennemi gagne plus de terrain encore. La bataille n'est pas terminée, il reste un mince espoir. Après tout, point n'est morte une campagne. Jusqu'à ce qu'elle se termine, du moins.
Chevaucher, s'enfuir, courir, souffrir. Rien de tout cela n'est plus possible quand vient la dernière charge. Elle est puissante, plus que les autres encore. Les frontières s'effondrent, les vicieuses créatures d'autrefois, déjà oubliées, ont le but trop proche.
Il n'est point d'évidence autre que celle qui s'avance : la bataille est perdue. La guerre s'achève aussi, triste. Presque une année à lutter contre les tourments, contre les envahisseurs pour finir ainsi.
Cuisante défaite, puissante humiliation.
Les tambours ont fait taire les bruits, les instruments ont été abandonnés. Règne déconfié sur un royaume détruit. Il ne reste plus rien, ni le lac d'antan ni les remparts protecteurs. Rien. Plus même toi. Toi, toi, toi. Qui vient de mettre pied dans la pire des choses ; le monde.
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Chapitre II :Time to pretend La chaleur écrase et la chaleur reprend. C'est le crédo, c'est le signal. C'est l'envie et la vérité. La dualité, toujours. La chaleur écrase et la chaleur reprend. Mais elle épuise surtout. Elle fatigue tellement qu'elle est plus incubatrice de siestes encore qu'un épisode de l'inspecteur Derrick, vieux nazillon à la retraite qui passe son temps à enquêter sur des meurtres indignes des américains.
Les américains sont révolutionnaires, ils ont des manières pour tout. Même pour donner la mort. Ils sont experts, raffinés. Ils ont des pontes dans le domaine. Et cette chaleur, justement, est une tueuse en série particulièrement redoutable. Médecins, tes parents ne sont jamais là. Tu es seul dans l'océan qu'est le pavillon coûteux que vous possédez à l'extérieur de la ville. Ils sont là bas, à faire les braves, à sauver des vies comme Jésus multiplia les pains. Affrontant la canicule comme des cavaliers affrontent le dragon, ils se battent toutes les armes dehors pour détruire la mort et la désolation. Ton paternel, dans son habituel laïus, répète à qui veut l'entendre que le médecin est le héros moderne. C'est la seule chose, certainement, sur laquelle vous êtes d'accord.
T'enrages. T'as un pétard dans la main gauche. Parce qu'en plus de tout, t'es même pas foutu d'avoir les mêmes habitudes que tout le monde. Les droitiers, très peu pourtant. Dans cette famille aussi religieuse qu'abrutie, les gauchers, ça sent mauvais, ça sent pas très républicain. Ca sent le démocrate sataniste à plein nez. Ca pue le nazi gauchiste, le rebelle du dimanche. Le soleil est là, dardant ses rayons avec tant d'insistance que la chaleur n'est pas véritablement supportable. Quinze ans déjà que t'es là.
Les effluves d'une mauvaise Marie-Juana, achetée à un dealer aussi jeune et boutonneux que toi, finissent d'achever le climat ambiant. La chaleur est infecte, ta bouche est sèche, pâteuse. T'as envie de rien, sauf, peut-être d'un double cheeseburger. L'effet du joint.
T'es un rebelle, parce que t'as un pétard. C'est comme ça que tu vois les choses. T'es un vrai dur, un de ceux qu'il ne faudrait jamais déranger sous peine de se voir priver d'une chose capitale que certains qualifieraient de vie. C'est du moins l'effet que tu veux donner. A vrai dire, t'es un premier de la classe un peu paumé, qui veut jouer à d'autres choses que son rôle véritable.
T'as le cerveau de ceux qui réinventent le monde. C'est ce que disent les appréciations, bulletins scolaires après bulletins scolaires. T'as l'ambition d'un président et l'envie d'un clochard. Le sofa est confortable. Ouais, t'en as un dans ta chambre. La fenêtre ouverte crache le chant des oiseaux et les sirènes hurlantes. Quotidiennes. Elles ponctionnent l'air, elles sont l'ambiance éternelle, elles sont le vent sur les grands pins, la neige en Alaska. Là, toujours. Guide infernal. Elles montrent et démontrent que l'Humanité n'est rien. Rien d'autre qu'une sempiternelle souffrance. Qu'il s'agisse d'un crime ou d'une blessure, policiers, pompiers et ambulanciers voient l'horreur jour après jour.
Souffrances infernales. Pourtant, il est de la souffrance que tu veux ressentir. Toi, qui veut être chirurgien. Comme ton père, comme l'autre là, qui te sers de mère. Les relations sont compliquées depuis qu'une cigarette, vicieuse saloperie, s'est glissée dans la poche de ton manteau hors de prix. Glissant, le tube de mort à révélé aux parents le secret si bien camouflé : fils fumeur. Presque pire que si tu avais commis un crime contre l'Humanité. Presque pire que le pêché de mort. La cigarette, ici, n'était pas en odeur de sainteté. Pire, son titre de séjour était révolu depuis vingt longues années, quand ton père, prit d'une intraitable quinte de toux s'était décidé à jeter les derniers tubes à cancer au fond d'un toilette immaculé, astiqué à longueur de temps par Maria qu'on appelait "la bonne" derrière son dos. Quinze ans. L'âge de la rébellion. Sauf, qu'à contrario de beaucoup d'adolescents, cette fronde contre les autres et contre l'âme elle même décida qu'il ne fallait jamais se consumer. Rester là, quelque part, ancrée, prête à rugir, à bondir.
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Chapitre III : En travers les néons L'âge de raison. Quarante et une années. L'âge de raison. Véritablement ? Pour les autres, il en était certainement ainsi.
Assis dans la voiture, l'habitacle chauffé par une soufflerie fatiguée, t'as le regard dans le vide, le sourire dans le vague.
Les pensées se tournent et se retournent, elles viennent et s'en vont, comme la mer se retire et revient. Comme l'ours hiberne puis ressort pour chasser.
La présence, la non-présence, puis le cycle qui recommence encore. Et encore. Violentes. Quarante ans. Et quoi d'accompli ? Le temps est à la retrospective. Les soirs d'anniversaires sont un peu comme ça quand l'amour n'est plus qu'un souvenir lointain et qui ne reste rien, rien pour accomplir une trace si mince d'un bonheur oublié. T'as un hamburger si gras qu'il dégouline sur l'emballage dans une main et une clope dans l'autre. Tes pieds sont calés, et ta silhouette est presque allongée. Ce parking est miteux, il s'y déroule des deals. Parfois des meurtres. T'as jamais été témoin de ça mais tu sais que ça existe, ça fait parfois les gros titres des journaux. Pas de la télé. Parce que des meurtres à New-York, c'est comme l'eau qui mouille ou le feu qui crame, c'est connu. Trop connu et trop régulier. Présent de vérité générale comme ils disent.
T'es là. T'attends. Quoi exactement ? Tyron. Tu ne sais même pas si c'est son vrai nom, mais tu connais sa trogne. C'est un grand noir d'un bon mètre quatre-vingt dix à faire pâlir un mort. C'est le genre de types à qui t'évites de chercher des emmerdes si t'as plus de dix de quotient intellectuel.
Il fait froid sur New-York ce soir.
T'es presque mieux sur ce parking que chez toi. Quinze ans que t'es marié. Dix que ça va mal. T'as toujours été un type avec peu de principes mais Ivy, elle avait réussie à te faire changer. T'étais rangé comme on dit. T'avais plus la bite baladeuse ni même l'envie d'aller voir ailleurs. T'étais docteur Lewis et puis c'est tout. Rien d'autre. Des passions comme le golf et les vieux films. Cinq ans à filer le parfait amour. Cinq ans à apprendre. T'étais devenu sacrément bon médecin. On te prédestinait déjà un avenir important. Pourtant tu venais à peine d'entamer ton internat. T'étais sur l'autoroute. La vocation enfin accomplie et l'amour, chose si précieuse. Mais six ans après le début de l'idylle, ça s'était sérieusement gâté. Les choses étaient devenues aussi graves que dans un épisode de show comme les américains savent le faire, avec des feux d'artifices de malheurs et de la dépression en barre.
La faute, certainement, à cette impossibilité pour elle d'avoir des enfants. Vivre ça, c'était vivre la fin du monde, la fin des mondes. L'avenir, gris, sombre. L'avenir était devenu une masse incertaine, une tempête dévorante, grisâtre et dégueulasse.
Elle avait sombré dans la dépression la plus certaine, refusant parfois de quitter le lit conjugal pourtant pas si confortable. Elle refusait de s'alimenter correctement, enchainant les périodes de jeun et de malbouffe. Elle ressemblait plus à rien d'autre qu'un squelette sur pattes.
Et toi, au lieu de réagir comme un chevalier servant, pliant le genou. T'as rompu le serment, t'as rompu les liens catholiques du mariage. Pas une fois ou deux mais aussi souvent qu'une paire de jambes s'ouvrait pour que tu t'y glisses. Peut-être parce que l'herbe était plus chaude, peut-être parce que tu t'y sentais bien, là-bas, à consommer le fruit défendu.
Comment c'était venu à arriver, aujourd'hui encore, t'en sais rien. Tu ne sais même plus qui c'était. Elles s'étaient enchainées, déchainées, ivres et excitées. Des puits où tu gorgeais la force de continuer, la force d'oublier aussi. Ca avait été la façon de faire le vide, ta façon d'oublier et de te concentrer. T'étais devenu médecin grâce à ça, t'en étais persuadé. Pas en priant ou en te livrant à des messes si noires qu'elles auraient été interdites dans le pays de la liberté, mais en baisant des connues et des inconnues. En vidant la pression.
L'herbe était revenue, toujours hors des périodes d'études. Puis l'alcool, à petite dose puis à plus grosse. Jamais à l'alcoolisme, toujours de façon récréative. T'avais volé des médicaments à l'hôpital pour les revendre. C'était d'ailleurs pour ça que t'attendais Tyron. Pour le deal habituel.
Des années comme ça. Et aujourd'hui encore, ça continuait. Cycle vicieux. T'étais devenu un sacré bon chirurgien. Ca t'aidait pas. On t'appelait parfois comme un dieu. Et ce n'était pas mentir. Après tout, tu tenais la vie d'autres entre tes mains expertes. Comme un dieu avec son peuple. En parlant des dieux, tu avais perdu la foi en même temps que la possibilité de devenir père. T'en aurais rêvé, t'aurais pu crever si ça avait changé quelque chose.
Sur ce parking miteux, en ce soir là, t'en étais encore plus conscient. Le service de neurochirurgie de l'hôpital s'était vu priver d'un chef lorsque ce dernier, trop ambitieux, certainement avait fraudé le fisc et s'était retrouvé en prison pour les cinquante ans à venir.
C'était il y a deux années. Et depuis ce temps, c'était toi, toi l'escroc, toi le voleur qu'on avait décidé de nommer à sa tête. Bien entendu parce qu'on ignorait tout de ta vénale habitude.
— Depuis combien de temps vivez-vous à New York ?Depuis la naissance. New-York, c'était ton horreur et ton amour. Tu détestes cette ville, elle est malade. Elle ne dort jamais parce qu'elle est sous acide en permanence. Mais tu ne pourrais pas vivre ailleurs. T'as vécu trop de choses ici, des drames comme des joies. Des peines et des amours. New-York, c'est ton identité, c'est ta vie.
— Comment imaginez-vous votre futur ? L'avenir sera fructueux. L'avenir n'est pas offert à ceux qui font les choses de façon traditionnelle. L'avenir est un cadeau pour les chiens, pour les requins et c'est tout à fait ce que t'es. Tu ne sais pas vraiment où tu seras ni même ce que tu feras mais t'espères une chose : diriger le service de chirurgie. T'es taillé pour ça.